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Propos recueillis par Philippe Gerber au Forum du Cinéma Européen de Strasbourg pour Repères n° 135 du 24 septembre 1997.

Clivage et critiques entre le septième et le neuvième Arts :

Enki Bilal : Beaucoup de gens pensent que le cinéma est une fin en soi, un piédestal. Or le cinéma en création pure est inférieur à la BD, en terme de liberté, d'imaginaire, d'écriture. La création solitaire au cinéma n'existe pas ou très peu, c'est un travail collectif. C'est une affaire individuelle : les écrivains sont créateurs, les auteurs de BD ou les compositeurs de musique, les peintres. Dans le livre que je suis en train de faire, je peins et dessine ce que j'ai envie de faire. Je ne connais pas un cinéaste qui puisse le réaliser, à part peut-être Jean-Luc Godard. Par contre, mon travail dans le cinéma me fait progresser en bande dessinée. Mais, en France, on n'aime pas les gens qui sortent de leur tiroir. Nous sommes dans une société consensuelle où tout le monde doit s'aligner. C'est un peu une démarche Stalinienne. Quand on essaye de se déplacer, on devient tout à fait atypique. Le cinéma est une industrie où il faut entrer dans un créneau précis : drame psychologique, Polar... Si sur plusieurs axes vous êtres inclassable, commercialement vous n'êtes pas intéressant. J'essaye de me mettre dans une démarche artistique, au sens noble du terme et non prétentieux. J'ai fait deux films qui sont des compromis entre mes goûts artistiques et les moyens de la machine cinématographique.

Se met en place dans le monde du cinéma une guerre de position grave : les tenants d'un système basé sur le cinéma de tradition d'auteurs à la Française, qui vient de la Nouvelle Vague, rejettent l'image en essayant d'amalgamer le cinéma grand spectacle, violent, avec scénario niveau zéro, et d'autres démarches qui sont plus artistiques. Je suis pour une multiplicité de genres. Le cinéma Français est actuellement aux mains de l'image et de l'imaginaire, j'en ai la conviction. On ne peut pas dire aujourd'hui que le cinéma est avant tout de l'écrit et du réel. En France on voudrait dire hormis le réalisme - naturalisme, point de salut.

Réconciliation :

La bande dessinée et le cinéma sont pour moi la même famille, la même démarche. Visiblement, on ne veut pas l'admettre. Par exemple je continue à entendre des choses stupides d'intellectuels qui disent que quand un film est mauvais, on dit que c'est du niveau d'une bande dessinée, surtout dans Télérama. Il ne faut pas que d'autres considèrent que tout l'imaginaire et tout ce qui en provient soient du même acabit et rangés du côté BD débile. Je sens une espèce d'intolérance, de conservatisme. On est en période de crise et chacun veut garder ses acquis, avantages et privilèges, alors que j'ai envie d'un nomadisme culturel.

Atmosphère BD / ciné :

Il y a maldonne. On croit que je veux recréer une ambiance BD. Des critiques disent que mes films n'apportent rien à mes albums. Le but n'était pas d'apporter quoi que ce soit à cet univers, c'est une faillite de l'intelligence des critiques. Les vrais créateurs sont ceux qui rabâchent toujours le même sujet de manière obsessionnelle, récurrente, à la Woody Allen par exemple.
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